dimanche 5 avril 2020

Au risque de te surprendre...

Bonjour, Bonsoir.

Et oui pas de début enjoué aujourd'hui.
Je vais m'adresser à toi même si tu n'es pas concerné et que tu ne te sens pas visé. Mais je ne sais pas comment le tourner alors je vais le faire comme ça.
Mais tout d'abord sache que si tu respecte les règles, comme la plupart de mes amis, je t'en remercie. Sincèrement.

Seulement si je me retrouve dans cet état actuellement c'est de la faute de ceux qui se pensent plus forts que tout le monde. Invincibles. Et crois moi il y en a beaucoup.
Alors maintenant je vais m'adresser à toi, qui ne connait pas la définition du mot confinement. Toi qui pense être plus fort que ce virus. Toi qui me fait courir tous les risques, au quotidien.
Je sais que tu ne me liras pas, mais j'avais besoin de me confier, d'écrire tout ça.

Saches, qu'on est obligés d'aller "au front", en première ligne, tous les jours. On ne le fait pas par plaisir. Moi je n'ai aucune envie d'être exposée au danger comme je le suis et pourtant j'y vais. Par obligation.
Donc toi, qui t'es subitement prit de passion pour les courses car après tout c'est la seule sortie autorisée, toi qui viens acheter une simple ramette de papier et qui en plus paie en espèces, toi qui vient acheter ton pain et ta bouteille 2 ou 3 fois dans la journée, tu me fais courir tous les risques. Mais pas seulement à moi, non, à tous mes collègues, mes chefs et aux autres clients qui eux respectent les règles.
Au risque de te surprendre, derrière cet accoutrement qu'on met tous les jours pour se protéger un minimum, se cache un être humain, avec des sentiments, de la peur, de la colère. Un être humain qui, oh surprise ! N'est pas immunisé contre ce virus. Qui peut tomber n'importe quand, en entraînant dans sa chute quelques collègues innocents eux aussi.
Car non, nous n'avons pas de vaccin, comme vous tous en fait, et si un collègue attrape ce virus, une dizaine l'auront aussi, à coup sûr. Crois tu que le magasin peut tourner et ouvrir avec une dizaine d'employés absents en plus de ceux obligés de rester chez eux pour leurs enfants ? La réponse est non, cher client. Et ce jour là tu seras bien malheureux de trouver les portes de ton magasin closes car nous sommes tombés au combat. Sans la moindre reconnaissance. Du moins pas la tienne.

Ah oui, toi, qui est venu acheter une ramette de papier et m'a payé en espèces, chose la plus sale au monde, vraiment, je vais t'apprendre quelque chose. Oui le gouvernement veut une fiche différente à chaque sortie, mais si tu respecte les règles tu n'en a pas besoin de beaucoup. 2 par semaines maximum pour tes courses, 3 peut-être pour tes sorties... Ca nous amène à 5 feuilles par semaines, si mes calculs sont bons. Une ramette fait 500 feuilles, donc 100 semaines de confinement... Et tu vas me dire que tu voulais pas venir ? Que tu ne pouvais pas prévoir au moment de tes courses de la semaine ? Prends moi pour une conne...
C'est ce que j'ai l'impression d'être ces derniers temps, une sombre conne qui a peur pour rien, qui pleure pour rien, qui fait vivre un enfer à son entourage car elle est à bout de nerfs.
Et mes amies ne méritent pas ça, mais je ne suis pas en mesure de leur fournir autre chose par ta faute. Je ne suis plus que l'ombre de moi même, tu comprends ? Je ne me reconnaît plus.

Tu ne me respecte pas, tu ne respecte pas mon métier qui pourtant te permet de vivre. Je rêve de rester 3 semaines enfermée dans mon appartement de 30m2, et crois moi que tu ne me verrai pas mettre le nez dehors une seule fois pendant cette période si j'avais cette chance. Que toi tu as.
J'aimais mon métier, avant. Et maintenant je le déteste. Juste parce que je n'ai pas le droit à l'arrêt maladie, pas le droit de me retirer de la course. Burn out ou pas, craquage ou pas, je n'ai pas d'enfants donc je dois être là. Point barre. Le droit de retrait n'est pas applicable car fort heureusement, et merci à eux, nous avons toutes les mesures possibles. Pour l'instant.
Mais si tu ne le savais pas, mesures de sécurité ou pas, tu es un risque pour moi. Le risque 0 n'existe pas.
Et quand tu paies en espèces je n'ai pas le droit de refuser. Alors que je ne sais pas où tu as mit les mains avant. Et tu me touches en plus ! Non mais tu as quoi dans la cervelle ? Sérieux ! Les agences bancaires ici sont fermées au public donc si tu as de la monnaie c'est que tu as une carte bancaire... Alors paies avec ! Sérieusement !

Et pour finir, oui je suis à bout, je ne sais pas comment ça va se terminer pour moi. Par chance j'ai des amies incroyables qui ne me laisseront pas tomber. Mais elles ne méritent pas ça, pas ce que je leur fait subir tous les jours. La plupart ne me répondent même plus quand j'en parle. Elles m'ignorent et je les comprend.
Mais je me sens seule, terriblement seule. La seule chose que j'ai, aujourd'hui c'est mon travail que je déteste, toi que je déteste à ne pas respecter les règles et ma solitude triste à souhait en rentrant le soir.

Pour finir, tu m'as fait abandonner toute envie de poursuivre ce que j'avais commencé. J'ai même plus la force de publier des scènes déjà écrites de ma fiction. Je n'avais même pas la force d'écrire ça mais je me suis forcée.
Alors s'il te plait, moi je ne reste pas chez moi pour toi alors reste chez toi pour moi. Par pitié.

A bientôt... Ou pas...

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